Promotion 2024 et Anciens doctorants SACRe

, par Ingrid Pichon

Soutenances de thèse SACRe 2024 :

  • Anouk BALDASSARI-PHELINE (ENS-PSL) : « Enquête sur Voyage en Italie de Roberto Rossellini. Reconstituer la genèse d’un film-laboratoire  ». Direction : Antoine de Baecque, (ENS-PSL) et Elena Dagrada, (Università di Bologna)

  • Robin CHAMPENOIS (ENS-PSL) : « Lettres à mon chatbot. Voyages à travers les rêves de l’artificiel  ». Direction : Béatrice Joyeux-Prunel (ENS-PSL, Unversité de Genève) et Mathieu Aubry (encadrant, École nationale des ponts et chaussées)

  • Jean-Robert DANTOU (ENS-PSL) : « À balles réelles. Photographie documentaire et ethnographie réflexive Tonnerre, 2017-2022 ». Direction : Florence Weber (ENS), Christian Joschke (ENSBA), Philippe Askenazy (ENS-PSL).

  • Adèle YON (ENS-PSL) : « Mon vrai nom est Elisabeth. Enquête sur le double fantôme ». Direction : Antoine de Baecque (ENS-PSL), Antonio Somaini (Université Sorbonne Nouvelle) et Olivia Rosenthal (encadrante artiste, Université Paris 8)

  

 

Entretien avec Anouk Phéline et Geoffrey Rouge-Carrassat

 PSL : Quelles ont été vos motivations principales pour rejoindre le programme doctoral SACRe ?


Anouk Phéline
 
 : Le doctorat SACRe permet d’inventer sa propre méthode de recherche et de produire non seulement une thèse écrite, mais aussi des films, expositions, performances, etc. C’est cette liberté d’expérimentation qui m’a convaincue de rejoindre le programme. Pendant ma formation en philosophie et en histoire du cinéma, j’ai commencé à réaliser des films dans le cadre d’une année d’échange à University of California, Los Angeles puis d’un atelier de montage d’archives à l’université Paris 1, et je tenais à intégrer cette pratique à ma thèse. À la croisée de ces expériences, mon projet consacré au film Voyage en Italie de Roberto Rossellini conjugue le travail d’archives, l’enquête de terrain et la création audiovisuelle.

Geoffrey Rouge-Carrassat : Très tôt dans mon parcours, j’ai eu envie d’être dans une dynamique de recherche et d’expérimentations. Je fantasme sur un espace de recherche détaché des impératifs de la production. En entrant au CNSAD-PSL, j’ai découvert le doctorat SACRe. Une fois diplômé du CNSAD – PSL, j’ai intégré le master création littéraire de l’Université Paris 8, avec l’optique de candidater au doctorat SACRe.

 

 


PSL : Comment s’est fait le choix de votre sujet de recherche ? Y a-t-il eu un moment ou un élément déterminant ?

Geoffrey Rouge-Carrassat : La préparation du dossier de candidature a été un moment clé.J’étais attiré par de nombreux sujets. Choisir était difficile. En repensant à mes différentes expériences théâtrales, j’ai réalisé que j’agissais plus comme un game designer que comme un metteur en scène ou un acteur : je m’impose ou je propose des règles qui vont permettre la création. En d’autres termes, il a toujours s’agit pour moi de créer les conditions propices à la liberté, à la créativité et au plaisir de l’acteur. Mon sujet de thèse est né d’une sorte d’introspection rétrospective : « Faire du jeu théâtral et de la création d’un spectacle (répétitions et représentations) un jeu pour les acteurs ? ».

Anouk Phéline : Pour ma part, j’ai commencé à m’intéresser à mon sujet pendant mon cursus à l’ENS – PSL. Je suivais les cours et séminaires d’Antoine de Baecque qui m’ont fait découvrir l’étude historique de la genèse des films. Inspirée par cette approche, je l’ai sollicité pour diriger ma thèse et nos échanges au cours de la préparation du dossier SACRe m’ont aidée à préciser mon sujet de recherche. Après m’être plongée en Master dans les archives d’Éric Rohmer et d’Alain Resnais, je souhaitais élargir mon horizon au cinéma italien en me centrant sur un film jugé fondateur par la Nouvelle Vague : Voyage en Italie (1954). Cette idée a germé suite à une conférence que j’avais donnée sur la reprise au cinéma de la tradition du voyage en Italie.


PSL : Chaque thèse SACRe est un objet singulier. Y a-t-il parmi la génération des docteures et docteurs SACRe des travaux qui vous ont particulièrement inspirés ou marqués ? Concernant votre propre travail de thèse : avez-vous déjà une idée de la forme qu’il prendra et pourriez-vous en présenter les grandes lignes ?

Anouk Phéline : La richesse du programme est de nous confronter à d’autres disciplines, comme le design : j’ai ainsi trouvé passionnantes les machines conçues par Émile de Visscher ou Jeanne Vicérial au cours de leurs recherches. Dans mon champ, j’ai été marquée par les essais vidéos de Chloé Galibert-Laîné qui renouvellent l’analyse de film. En vue de ma thèse, je travaille en parallèle à réunir des sources et documents inédits pour reconstituer la genèse de Voyage en Italie et à élaborer un essai audiovisuel à partir de séquences du film et d’entretiens réalisés sur les lieux de tournage. J’en ai présenté un premier volet au Cinéma du réel, sous le titre Regard contre regard (voir la vidéo ici).

Geoffrey Rouge-Carrassat : J’ai été très marqué par la soutenance de thèse de Marcus Borja (NDLR : Docteur SACRe 2017). Le public était placé en cercle, dans le noir et n’entendait que des bribes de phrases dans des langues différentes. Son œuvre créait une toute nouvelle expérience pour le spectateur. Changer la relation du spectateur au spectacle, c’est aussi ce que je cherche. Je souhaite parvenir à repenser le rapport de l’acteur à ce qu’il fait par le prisme inspirant du jeu (ludique).

 

Rencontre avec Marcus Borja, docteur PSL-SACRe

Acteur, metteur en scène, dramaturge, enseignant, directeur de chœur… Marcus Borja est une personnalité du monde théâtral et, depuis le 1er décembre, docteur SACRe (Sciences Art Création Recherche) après à un travail de recherche sur l’approche musicale des techniques et poétiques de la scène. L’occasion de revenir sur ce programme original et son parcours.

Interroger la dimension sonore et l’approche musicale du théâtre à travers la choralité et la vocalité de l’acteur-performer, privilégier l’écoute, scruter les rythmes, contrepoints et harmonies, aussi bien au niveau de la construction et l’interprétation du texte qu’à celui de la dynamique et des mouvements scéniques… un sujet de recherche passionnant pour lequel Marcus Borja, metteur en scène réputé a rejoint en 2014 ce programme doctoral.

 

Un doctorat d’art et de création

« Le contexte de travail proposé par SACRe correspondait à mes attentes : un parcours résolument artistique alliant l’outillage et la rigueur de la recherche à la création scénique et performative »

Trois ans durant sous la direction de Jean-François Dusigne (professeur en arts du spectacle, théâtre, ethnoscénologie, Université Paris 8) et l’encadrement de Sylvie Deguy (artiste lyrique et professeur de chant au CNSAD), Marcus Borja a poursuivi l’exploration de la théorie et de la pratique théâtrale à travers une thèse intitulée Poétiques de la voix et espaces sonores. La musicalité et la choralité comme bases de la pratique théâtrale.
 « C’était moins le « doctorat » qui a motivé mon choix de rejoindre le parcours SACRe – mais le fait qu’il soit « d’art et de création » explique aujourd’hui Marcus Borja. « En effet, mon parcours artistique, mon intérêt pour l’enseignement et la transmission et mon désir de développer et faire partager un chemin de réflexion critique en parallèle et en résonance avec les recherches faites au plateau et dans la salle de répétitions, m’ont convaincu que le contexte de travail proposé par SACRe correspondait à mes attentes : un parcours résolument artistique alliant l’outillage et la rigueur de la recherche à la création scénique et performative.
 SACRe m’a permis de développer un programme de recherche pluridisciplinaire au carrefour de la théorie et des pratiques artistiques qui appelle une variation et une alternance de ses supports et de son outillage. Ainsi, plutôt que de hiérarchiser ou de délimiter les espaces de la « théorie » et de la « pratique », la théorie, ici, ne saurait se concevoir autrement que comme structuration et relativisation d’une pratique concrète, et la pratique comme une mise en mouvement d’abstractions théoriques, en croisement et même en choc entre elles. »

SACRe est aussi un laboratoire (EA 7410) interdisciplinaire unique dédié aux créateurs et l’un des éléments phares de l’Université PSL. Réunissant cinq grandes écoles d’art et de création et l’ENS, son ambition est de permettre aux créateurs et aux chercheurs d’inventer et d’explorer ensemble les territoires communs de la recherche et de la création. Il réunit artistes confirmés, créateurs, compositeurs, metteurs-en-scène, designers, plasticiens, tout autant que des théoriciens en sciences exactes, humaines et sociales. Chaque thèse du doctorat SACRe consiste ainsi en une création d’œuvres et la mise en œuvre d’une démarche réflexive s’appuyant sur des champs théoriques et scientifiques.