Nicole Loraux et le théâtre

, par Morgane THRO

 
L’ENS-PSL dédie son nouveau théâtre à l’historienne et helléniste Nicole Loraux.
 

Un théâtre au cœur d’une grande école

Le théâtre de l’École normale supérieure, après une longue fermeture, a rouvert en 2011. L’importante rénovation réalisée en 2020 en fait désormais un outil parfaitement adapté aux étudiants de l’École et à leurs créations. Il accueille régulièrement un public extérieur.

Doté de 144 places, d’un équipement technique favorisant la prise en main par les étudiants et leur autonomie, le Théâtre Nicole Loraux offre aujourd’hui un espace artistique unique aux normaliennes et normaliens, qui disposent d’une véritable salle de spectacle en plein cœur de l’ENS-PSL.

La principale mission du théâtre est d’accueillir les résidences et les représentations des spectacles créés par les élèves de l’École. Celles et ceux du Département Arts y sont particulièrement présents et actifs, mais la programmation, établie semestriellement, est également ouverte aux passionnés de théâtre de tous les départements, littéraires et scientifiques, et parfois aux jeunes anciens récemment sortis de l’École.

 

Nicole Loraux et le théâtre

Inspirée par la philosophie et la psychanalyse, la pensée audacieuse, résolument anachronique de Nicole Loraux n’a cessé de nourrir la scène contemporaine dans son dialogue avec la tragédie antique. Helléniste, anthropologue, historienne, Nicole Loraux, a consacré son œuvre entière à la cité grecque, aux représentations qu’elle se donne d’elle-même, aux récits qu’elle forme sur sa naissance, aux conflits qui la constituent, à la place qu’elle réserve aux femmes, dans la réalité et dans l’imaginaire. Le théâtre, comme lieu où cette cité rencontre ses questions les plus refoulées, où elle rouvre ses blessures les plus profondes, a pris dans sa recherche une place croissante.

Attentive à la création et aux artistes, Nicole Loraux fut aussi en dialogue avec de grands metteurs en scène, et parfois traductrice pour eux. Son livre La voix endeuillée (Gallimard, 1989) est régulièrement cité comme une source d’inspiration par des artistes travaillant sur le répertoire tragique.

Figure majeure des études grecques, directrice de recherche à l’EHESS, traductrice, et aussi ancienne élève de l’ENSJF (Sèvres), Nicole Loraux a disparu en 2003, à l’âge de 60 ans. Le théâtre de l’École où elle fut élève portera désormais son nom.Retour ligne manuel
 

À propos de Nicole Loraux

Ancienne élève de l’École normale supérieure de jeunes filles (L, 1962), agrégée de lettres classiques (1965), Nicole Loraux fut directrice de recherche à l’EHESS, l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, où elle enseignait l’histoire et anthropologie de la cité grecque.

Elle a notamment publié « Les Enfants d’Athéna : idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes » (La Découverte 1981, rééd. Seuil 1990), « Les Expériences de Tirésias : la féminité de l’homme grec  » (Gallimard, 1989), «  Les Mères en deuil » (Seuil, 1989), et chez Payot, « l’Invention d’Athènes : histoire de l’oraison funèbre dans la cité classique » (1981).

Son Invention d’Athènes (1981), traduite à l’étranger, est considéré comme un texte pionnier sur la fonction culturelle de la rhétorique dans la démocratie athénienne.

Plus généralement, les travaux de Nicole Loraux mobilisent de manière créative les apports de la psychanalyse, de l’anthropologie et de l’histoire pour porter un éclairage nouveau sur la Grèce ancienne. L’autochtonie, le statut des femmes dans la cité grecque, la place paradoxale du conflit dans la cité antique sont ainsi étudiés selon cette approche aussi originale qu’exigeante.

"Le tragédie grecque n’a de cesse de rappeler que le politique est conflictuel ; que, sous l’oubli par la Cité de ses divisions amnistiées, demeure le conflit des valeurs, la différence des comportements — ce que toujours illustrent les femmes, puisqu’elles seules, non-citoyennes, portent le deuil de ceux dont la Cité veut oublier la mort. La tragédie est donc le « lien de division », ce qui, au-delà des siècles, nous fait souvenir encore que, plus sûrement que le consensus, le conflit produit l’unité."Retour ligne manuel
Nicole Loraux, La Voix endeuillée, Gallimard, 1999`