Journée d’études : I’ll Be Your Mirror. Les objets de la réflexivité - samedi 5 octobre de 11H à 18H
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Journée d’études -
I’ll Be Your Mirror : Les objets de la réflexivité
Samedi 5 octobre, 11h - 18h (Salle Dussane, 45 rue d’Ulm)
Contact : renaudgadoury@gmail.com
Responsabilité scientifique : Renaud Gadoury (ENS / EHESS) & Doriane Molay (EHESS)
« Bien que la réflexivité constitue un objet théorique essentiel de la philosophie comme des sciences humaines et sociales, force est de constater que peu d’initiatives furent menées afin d’interroger de manière spécifique l’apport des objets matériels à l’expérience réflexive. Afin de suppléer à ce manque, ce colloque se propose de rapprocher des travaux issus d’horizons disciplinaires variés qui interrogent chacun un objet vecteur de réflexivité, médium d’une mise en relation du sujet à lui-même. Il s’agira donc, à travers une approche comparative, de circonscrire les rapports que les objets et leurs caractéristiques matérielles entretiennent avec les modalités de l’expérience réflexive, de manière à illustrer la nature conjoncturelle de la réflexivité, qui dépend des contextes - et donc des formes tangibles - à travers lesquels elle se manifeste. »
10h30 - 11h00
Accueil
11h00 - 11h30
Mots introductifs
11h30 - 12h30
Le moi réfléchi : du stade du miroir à celui du selfie
Barbara Carnevali (EHESS)
Technologie réflexive par excellence, le selfie s’inscrit dans le sillage des dispositifs d’autoreprésentation antérieurs ainsi que dans l’histoire philosophique des médiums de connaissances de soi dont le miroir reste l’archétype par excellence, comme l’illustre brillamment la philosophie de Pirandello. Pour cerner au mieux les implications de la pratique du selfie quant à l’expérience
contemporaine de la réflexivité et réfléchir à son rôle dans la construction de l’identité sociale, je reviendrai ainsi aux origines de cette notion et interrogerai les liens et écarts qu’elle entretient avec d’autres formes d’appréhension de soi. En partant de la philosophie de Rousseau pour aller jusqu’à la philosophie anthropologique d’Helmuth Plessner en passant par la théorie du spectateur impartial d’Adam Smith et par la théorie hégélienne de la reconnaissance, il s’agira de dépasser les critiques qui réduisent cette pratique à une manifestation narcissique du capitalisme moderne pour poser les bases d’une compréhension plus nuancée de ses spécificités en tant que technique de communication sociale permettant de négocier un espace de reconnaissance entre notre image sociale, les autres et notre propre altérité. Cette investigation du selfie, de ses modalités perceptives et de sa dimension réflexive rejoindra de la sorte des considérations plus larges portant sur la dimension esthétique des interactions sociales et ouvrira plusieurs des perspectives qui se déploieront tout au long de ce colloque.
12h30 - 13h30
Anticorps : autoportraits de soi comme autre
Miriam Rejas Del Pino (Ca’ Foscari)
Au XXe siècle, l’autoportrait photographique constitue l’un des laboratoires privilégiés de l’identité réflexive. « Il n’y a pas de sujet sans image », dit Marie-José Mondzain pour parler de l’impossibilité pour un individu de détenir une identité propre s’il n’observe pas des images de lui-même dès sa naissance. Claude Cahun (1894-1954) et Marcel Bascoulard (1913-1978), aujourd’hui considérés comme des précurseurs de « l’art queer », décident de s’auto-portraiturer à plusieurs reprises à travers le dispositif photographique à dessein de s’émanciper des représentations canoniques de l’époque. Ces deux formes de subjectivités minoritaires, qui concevaient la photographie comme un outil d’empowerment, ont alors subi de graves abus de la part de la police qui détruisit plusieurs fois leurs images. Si le dispositif photographique pouvait typifier les corps et les identités de manière taxonomique, nous analyserons au sein de cette intervention quelques stratégies énonciatives et figurales d’émancipation du sujet, capables ainsi de soustraire le corps au regard de la machine. Nous examinerons donc les autoportraits de ces auteurs de manière dialectique, comme des « objets théoriques » ou, reprenant la pensée marinienne et la théorie de l’art, comme des objets matériels et historiquement situés qui s’imposent également comme l’apparition d’un paradigme qui « perdure ».
13h30 - 15h00
Pause déjeuner
15h00 - 16h00
Improviser avec soi : modèles génératifs, représentation de soi et interaction musicales
Pierre Saint-Germier (STMS, CNRS, IRCAM)
Des techniques d’apprentissage automatique relevant de ce que l’on appelle « lA générative » permettent de construire des modèles génératifs. Ils visent à échantillonner de nouveaux exemples selon la distribution de probabilité qui gouverne un ensemble de données. Si l’entraînement des modèles génératifs profonds fait souvent appel à des ensembles de données gigantesques, il est possible de les ajuster après coup à un ensemble de données ad hoc pour des applications spécifiques. Si j’ajuste un modèle génératif à un ensemble de données qui proviennent de moi et de moi seul, j’obtiens un modèle génératif de moi-même, ou un clone de moi-même, dans les limites d’une tâche donnée, comme la génération de texte ou le transfert de timbre vocal. Cette idée a été exploitée par des artistes et en particulier des musiciens désireux de réfléchir sur le caractère construit, fluide et ouvert de leur propre identité musicale (Holly Herndon) ou plus fondamentalement de l’identité personnelle en général (Alexander Schubert). Elle trouve une application particulière dans le cas de l’improvisation musicale, dans la mesure où il devient possible d’improviser avec son propre clone musical. Le but de cette présentation est de questionner la spécificité de la représentation de soi fournie par ce genre de modèles génératifs et des usages esthétiques qui peuvent en être faits, en particulier dans le domaine de l’improvisation musicale
16h00 - 17h00
Aísthêsis de l’autoportrait numérique : les selfies en question
Serena Ciranna (EHESS) & Armance Geulin (EHESS)
En geste iconique de la culture numérique, le selfie constitue un médium de réflexivité à la fois immédiate - le snapshot se compare au coup d’œil furtif dans le miroir - et dispersée - par sa destination, sa circulation et ses balises temporelles. Dans un premier temps nous situerons historiquement le selfie, comme momentum des formes de représentation de soi enchâssées dans des dispositifs techniques, puis culturellement, comme un art du visage combiné aux pratiques du maquillage et de la mascarade. Nous analyserons ensuite comment les motivations du selfie sont adossées aux dynamiques de sociabilité en ligne et engagent un mode narratif, afin de rendre compte pour soi de ces images déclaratives. Établie dans sa densité, la pratique du selfie nous renseigne ainsi sur une forme de réflexivité adressée, adhérente à la perception, en négociation avec un outillage socio-esthétique qui reflète un rapport à soi-même en demande d’objectivation.
17h00 - 18h00 :
Une collection de tableaux comme objet réflexif à l’époque moderne ?
Lara Pitteloud (Université de Neuchâtel)
Cette présentation vise à considérer la collection comme objet réflexif dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle en France, en se basant sur le cas du Comte Sylvain-Raphaël de Baudouin (1715-1797). Capitaine aux Gardes françaises, graveur amateur et connaisseur, Baudouin rassembla, dès les années 1750, une collection qui réunira jusqu’à 119 tableaux en 1784, majoritairement flamands et hollandais, au sein de son appartement parisien reconnu comme l’un des plus beaux et célèbres cabinets de Paris par ses contemporains. En 1784, le collectionneur fit réaliser des copies de la majorité des tableaux dont il avait alors accepté la vente à l’impératrice Catherine II. Tant cette action que les modalités de constitution, la mise en valeur et la vente finale de cette collection révèlent comment celle-ci faisait partie intégrante de l’être social du Comte de Baudouin. Il s’agira ainsi de cerner les modalités de l’expérience réflexive qu’elle a pu convoquer chez ce sujet en se concentrant sur quelques-unes de ces pratiques.
18h00 - 19h00
Mots conclusifs & cocktail de clôture