Colloque DESOEUVRER - 13 au 15 octobre 2021
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Aux dires d’André Breton, Saint-Pol-Roux faisait poser à l’entrée de son manoir un écritoire indiquant “Le poète travaille” lorsqu’il allait se coucher. Depuis, le capitalisme est parti à l’assaut du sommeil (Jonathan Crary) et digère jusqu’à l’improductivité. Car si le monde de l’art contemporain est hanté par des figures tutélaires enclines à l’oisiveté, ce sont désormais les médias et les “communicant.e.s” qui font de l’apologie du temps suspendu un leitmotiv. Celui-ci devient un argument de vente tout autant qu’une manière de se laver des accusations de frénésie capitaliste et de participation aux crises écologiques, sociales et financières. Au-delà de l’effet de mode, la mise à l’arrêt soudaine de la plupart des activités pendant le confinement d’ampleur mondiale a permis d’interroger dans des proportions nouvelles un modèle de société fondé sur l’accumulation, ouvrant des champs de réflexion et de création jusque-là marginaux et peu explorés.
Les artistes s’interrogent et nous interrogent : faire ou ne pas faire ? Produire ou ne pas produire ? Créer ou ne pas créer ? Faire, produire et créer, mais moins ? Depuis les années 1950, des poètes, peintres, sculpteurs.rice.s, performeur.euse.s, cinéastes et chorégraphes ont choisi de désoeuvrer, au sens actif et transitif du verbe. Ces artistes ont pris le parti de faire œuvre tout en faisant moins, en ne faisant pas, ou en faisant autre chose, privilégiant le voyage, la fête, l’ennui… Ils et elles ont inventé des gestes et des opérations capables de déjouer toute attente vis-à-vis de leur statut d’artiste.
Mais quelle est la singularité du désoeuvrement après 1945 ? Car le sujet n’est pas nouveau : Duchamp l’anartiste élevait de la poussière avec Man Ray et le XIXe siècle semble hanté de figures oisives (des « Barbus » de l’atelier de David qui venaient y jouer de la lyre au lieu d’y peindre à l’Oblomov de Gontcharov). Penser cette question depuis les années 1945 implique de prendre en compte les circonstances politiques, économiques et sociales, en particulier la place du travail dans la société du temps. À l’évidence, désoeuvrer en 1950 n’est pas désoeuvrer en 2020, ni en 1850. C’est une histoire du productivisme (y compris du productivisme artistique) qui pourrait se dessiner en creux, accompagnant les évolutions de l’idée de « travail » artistique.
PROGRAMME
13 – 15 octobre 2021
en ligne et en présence
Mercredi 13 octobre 2021
École normale supérieure (salle des Actes)
9h – 18h
9h00 – 9h30 Accueil des participantes et participants
9h30 – 9h45 Ouverture du colloque
9h45 – 10h Introduction
Morgan LABAR, Armance LÉGER et Killian RAULINE
10h – 12h15 : L’artiste en (non) travailleur : stratégies du refus dans les années 1960 – 1980
10h – 10h30 « A bunch of freaks and their stuff » : Paul Thek, The Artist’s Co-op, et un document de désœuvrement
James HORTON (ENS, France)
10h30 – 11h Refuser en dormant : stratégies de résistance au travail dans l’art contemporain des années 1970 et 1980
Camille RICHERT (Sciences Po Paris, France)
11h – 11h15 Pause
11h15 – 11h45 Keith Arnatt – Not Doing (As) Art
Christian BERGER (Université de Mainz, Allemagne).
11h45 – 12h15 « Years Without Art » L’appel de Gustav Metzger à révolutionner le monde de l’art.
Emmanuelle RAINGEVAL (Université de Picardie Jules Verne, France)
12h15 – 14h15 Pause déjeuner
14h15 – 15h15 Valse à trois temps
Pierre BURAGLIO (artiste) en conversation avec Armance LÉGER (ENS, France) et Killian RAULINE (École du Louvre/ENS, France)
15h 15 – 15h 45 « À quoi me sert encore de vouloir être artiste ? »
Ségolène THUILLART (artiste, France)
15h45 – 16h Pause
16h – 18h : Sabotages et détournements dans les années 1960 – 1980
Modération : Éric de Chassey (INHA)
16h – 16h 30 The ‘Klapheck computer’ : Deregulated Machines and Surrealist Sabotage in the 1960s
Abigail SUSIK (Willamette University, États-Unis)
16h30 – 17h Désœuvrement with or without Aesthetics : The Case of Ugo La Pietra
Maureen WINTER (Northwestern University, États-Unis) et Igor FARDIN (École polytechnique de Turin, Italie)
17h – 17h30 Work and Un-work in the Art of KwieKulik Duo and Other Avant-Garde Artists of the 1970s in the Context of People’s Republic of Poland
Wiktoria SZCZUPACKA (Institut des Arts de l’Académie polonaise des Sciences, Pologne)
17h30 – 17h45 Pause
17h45 Projection du film Anomalies Construites de Julien PRÉVIEUX (2011, 7min) et conclusion de la journée
Jeudi 14 octobre 2021
École du Louvre (amphithéâtre Dürer)
9h30 – 18h
9h – 9h15 Accueil des participantes et participants
9h15 – 9h30 Ouverture et introduction
9h30 – 10h30 : De l’abattement à la « dépression réussie »
Modération : François-René Martin (Beaux-Arts de Paris / École du Louvre, France)
9h30 – 10h « L’impossibilité matérielle de se réaliser » : l’emprisonnement du sculpteur André Lasserre (1902-1981)
Lorena EHRBAR (Université de Lausanne, Suisse)
10h – 10h30 Existe-t-il une architecture du désœuvrement ?
Thomas RICHARD (architecte indépendant, Université Jean Moulin Lyon III, France)
10h30 – 10h45 Pause
10h45 – 12h15 : Gestes et pratiques du désœuvrement au cinéma
Modération : Jonathan Pouthier (MNAM-CCI, Centre Georges Pompidou)
10h45 – 11h15 Puissance-de-ne-pas et désœuvrement monastique, d’Agamben à Rossellini
Olivier CHEVAL (Paris 8 Vincennes – Saint Denis, France)
11h15 – 11h45 Prospectographies. Ecriture du projet et modernité dans le cinéma italien : Antonio Pietrangeli, Pier Paolo Pasolini, Dario Fo, Tullio Pinelli
Esther HALLÉ-SAITO (ENS de Lyon, France)
11h45 – 12h15 Le travail de décantation ou la technicité du temps d’arrêt en montage
Pedro BRANCO (Brunel University, Royaume-Uni / Université de Brasilia, Brésil)
12h15 – 14h15 Pause déjeuner
14h 15 – 17 h : Paresse, repos et résistances
Modération : Sophie Cras (Université Paris I)
14h15 – 14h45 The Right to Rest
Salomé BURSTEIN (Royal Institute of Arts, Stockholm, Suède) et Nat SKOCZYLAS (artiste, Pologne), avec la complicité du Werker Collective
14h45 – 15h15 « Ceci n’est pas un objet d’art. » Marcel Broodthaers et la stratégie de la nonchalance
Margaux VAN UYTVANCK (Université libre de Bruxelles, Belgique)
15h15 – 15h30 Pause
15h30 – 16h00 Unworking Bodies
Sofia CAESAR (LUCA School of Arts, Belgique) et Steyn BERGS (Université libre d’Amsterdam / Université d’Utrecht, Pays-Bas)
16h00 – 16h30 Staying at Home. Curating, Care and the Governmentality of Un/Work from a Post-Covid Perspective
Nanne BUURMAN (Kunsthochschule Kassel, Allemagne)
16h30 – 17h Pause
17h – 18h : Perspectives décroissantes
Modération : Guitemie Maldonado (Beaux-Arts de Paris / École du Louvre)
17h – 17h30 Le désouvrage architectural comme pierre de lance d’un renouveau de l’architecte-auteur
Philippine MONCOMBLE (ENSA Marseille, France)
17h30 – 18h Des œuvres en régime décroissant
Claire GAUZENTE (Université de Nantes, France), Benoit PASCAUD (École des Beaux-Arts de Nantes, France), Thomasine ZOLER (Université d’Angers, France)
Conclusion de la journée
Vendredi 15 octobre 2021
Beaux-Arts de Paris (amphithéâtre d’honneur)
9h – 13h
9h00 – 9h15 Ouverture et introduction
9h15 – 12h 15 : Le « loisir fécond » : oisiveté et production
Modération : Pascale Riou (Université Grenoble Alpes)
9h15 – 9h45 De l’oisiveté à la chronodiversité
Javier BASSAS VILA (Université de Barcelone, Espagne), Raquel FRIERA (artiste, Espagne)
9h45 – 10h15 Otium et construction de soi. Le désœuvrement à l’épreuve du loisir fécond
Jean-Miguel PIRE (EPHE, France)
10h15 – 10h45 La Fédération nationale des artistes peintres amateurs (1950) : portrait de l’amateur en travailleur
Hadrien VIRABEN (Le Mans Université, France)
10h45 – 11h Pause
11h – 11h30 Écrire intransitivement : la peinture de Roland Barthes
Ruiqi WANG (Université de Paris, France)
11h30 – 12h Managing Surplus : Allan Kaprow and the Leisure Crisis
Ellen. C. FEISS (Université de Berkeley, États-Unis)
12h – 12h15 Pause
12h15 – 13h 1971 – 1976, le temps de l’oxygénation
Bernar VENET (artiste) en conversation avec Denys RIOUT (historien de l’art)
Conclusion du colloque
Soirée du vendredi 15 octobre 2021
École normale supérieure (salle Dussane)
19h30
Projection du film L’enfant secret de Philippe Garrel (1979, 95min), présentée par Thibault GRASSHOFF (Université d’Aix-Marseille)